mercredi 21 juillet 2010

Philippe-Auguste et Paris




ACTIONS DE PHILIPPE AUGUSTE À PARIS
D’APRÈS RIGORD ET GUILLAUME LE BRETON

A - De même, c’est un fait que la même année 1183 de l’Incarnation du Seigneur, 4e année du règne du roi très chrétien Philippe, ledit roi, sur la prière de beaucoup et surtout sur la suggestion d’un de ses serviteurs que l’on voyait à cette époque parmi les plus fidèles à s’occuper des affaires du royaume, acheta à Paris pour lui et ses successeurs, aux lépreux installés hors de la cité, une foire qu’il fit transférer dans la ville, à savoir au marché (forum) dit des Champeaux où, sous l’action dudit serviteur qui était le plus excellent dans les affaires de cet ordre, il fit construire pour le meilleur et plus grand profit des marchands deux grandes maisons, que l’on appelle communément « halles », dans lesquelles tous les marchands pourraient vendre leurs marchandises en temps de pluie et les y conserver la nuit à l’abri des voleurs. Et pour plus de sécurité, il fit élever un mur tout autour desdites halles, y faisant pratiquer des portes en nombre suffisant qu’on devait clore toutes les nuit. Et entre le mur extérieur et ces halles aux marchands, il fit ériger des étaux couverts pour que les marchands ne cessent pas leur commerce par temps de pluie et ne subissent aucun dommage.
Traduit du latin. Source : Rigord, Gesta Philippi Augusti, éd. H.F. Delaborde, Oeuvres de Rigord et de Guillaume le Breton, historiens de Philippe Auguste, t. 1, Paris 1882, § 20 (p. 33-34).

B - C’est en outre un fait que […] Philippe, roi à jamais Auguste, de passage à Paris, comme il déambulait dans la Salle royale en songeant aux affaires du royaume, s’approcha des fenêtres du palais, d’où il avait parfois coutume de regarder le fleuve de Seine pour se distraire l’esprit. Les charrettes tirées par des chevaux à travers la cité remuaient la boue et soulevaient des puanteurs intolérables ; le roi déambulant dans la salle ne pouvant les supporter, il forma alors le projet d’une oeuvre ardue mais bien nécessaire, qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait osé aborder à cause de son excessive gravité et du coût accablant des travaux. Ayant convoqué les bourgeois avec le prévôt de ladite cité, il ordonna de son autorité royale que tous les chemins et rues de toute la cité de Paris fussent pavées de dures et fortes pierres. Le roi très chrétien entreprit de ce fait d’ôter son nom à la ville : on l’appela initialement Lutèce en raison de la puanteur de la boue; mais certains étrangers qui avaient horreur de ce nom en raison de la puanteur, l’appelèrent Paris, du nom de Pâris Alexandre, fils de Priam roi de Troie. […]
Traduit du latin. Source : Rigord, ibidem, § 37 (pp. 53-54).

C - Vers cette même époque [1185], Philippe le magnanime, mû par une pieuse et royale indignation quant au caractère intolérable de la boue des chemins de la cité de Paris, fit paver tous les chemins des portes de pierres carrées. Et alors disparut pour la première fois l’antique nom propre de la ville, qui était Lutèce. À ses exhortations, d’autres cités et bourgades renforcèrent les chemins des portes, les places, les ponts, toutes les entrées et sorties de pierres carrées et très dures.
Traduit du latin. Source : Guillaume Le Breton, Gesta Philippi Augusti, éd. ibidem, § 33 (p. 184).
D. Des nombreuses bonnes oeuvres du très chrétien roi Philippe Auguste, nous estimons devoir noter celle-ci, assez digne de mémoire. Ainsi donc, un jour que le roi Philippe Auguste faisait un séjour à Paris, on porta à ses oreilles qu’il fallait restaurer le cimetière qui est aux Champeaux, à côté de l’église des Saints-Innocents. Ce cimetière, de toute antiquité, était en effet une grande place ouverte à tous, traversée par les passants et livrée à la vente de marchandises, où les citoyens de Paris avaient coutume d’ensevelir leurs morts. Mais comme les corps des défunts ne pouvaient y être inhumés décemment en raison du rassemblement des eaux de pluies et de l’abondance d’une boue fétide, ledit roi très chrétien Philippe, toujours soucieux des bonnes oeuvres, considérant que cette oeuvre était honnête et très nécessaire, ordonna d’enclore tout le cimetière par un mur de pierre qui  en ferait le tour, et que des portes en nombre suffisant y soient pratiquées, que l’on fermerait toujours la nuit contre les rassemblements frauduleux. II estimait de fait, par une pieuse considération digne d’attention, qu’un cimetière dans lequel tant de milliers de personnes reposaient devait être conservé le plus propre possible par leurs descendants, par crainte de Dieu.
Traduit du latin. Source : Rigord, ibidem, § 47 (p. 70-71).

E - II ordonna aussi aux citoyens de Paris d’enclore avec toute la diligence possible la cité de Paris, que le roi chérissait beaucoup, de très bons murs dotés de tourelles convenablement disposées et percés de portes. Ce que l’on vit achever en un bref laps de temps. Et le roi ordonna d’en faire autant pour les autres cités et bourgades de tout le royaume.
Traduit du latin. Source : Rigord, ibidem, § 71 (p. 105).

F. À cette époque, sur l’ordre du roi Philippe qui se préparait à partir, ont été érigés les murs d’enceinte de la cité de Paris, depuis la partie septentrionale jusqu’au fleuve de Seine, convenablement dotés de tourelles et de portes.
Traduit du latin. Source : Guillaume Le Breton, ibidem, § 52 (p. 191).

G - La même année [1212], Philippe, roi magnanime, entoura tout Paris d’une enceinte depuis la partie méridionale jusqu’au fleuve de Seine, englobant une très grande superficie de terre à l’intérieur des murs, et poussa les possesseurs de champs et de vignes à louer ces terres et vignes à des habitants pour qu’ils y construisent de nouvelles maisons, ou y bâtissent eux-mêmes de nouvelles maisons, afin que l’on voit toute la cité pleine de maisons jusqu’aux murs. Mais aussi, il dota les autres cités, villes et communes du royaume de murs et de tours inexpugnables. Voyez et louez son équité princière ! Bien qu’il soit licite, de par le droit écrit, de pouvoir faire ériger pour le bien public du royaume des murs et des fossés sur la terre de qui que ce soit, celui-ci [i.e. le roi], préférant plutôt l’équité au droit, compensa  de ses propres biens les dommages encourus par ces hommes-là.
Traduit du latin. Source : Guillaume Le Breton, ibidem, § 160 (p. 240-241).